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Note de l’éditeur :
Alors que les outils de surveillance forestière deviennent essentiels à la conformité réglementaire, il est crucial de comprendre leurs limites. Cet article examine les risques croissants de faux positifs dans les alertes de déforestation par satellite, ainsi que le rôle clé des données terrain dans le renforcement de la traçabilité dans le cadre de l’EUDR. Avec les contributions d’Anggoro Wicaksono, responsable du projet Caoutchouc chez KOLTIVA, et de Roland Sinulingga, responsable Environnement chez KOLTIVA, cet article met en lumière l’importance de combiner l’intelligence satellitaire à la vérification sur le terrain pour bâtir des chaînes d’approvisionnement crédibles et sans déforestation.
Les cartes satellites sont essentielles. En vertu de l’EUDR, les entreprises agroalimentaires doivent prouver que leurs chaînes d’approvisionnement sont exemptes de déforestation en utilisant la géolocalisation et des évaluations de risque. Toutefois, ces outils peuvent comporter des erreurs ou des interprétations incorrectes, appelées faux positifs ou faux négatifs.
Pourquoi ces erreurs se produisent-elles ? Les cartes forestières, comme celles développées par le Joint Research Centre (JRC), sont conçues pour privilégier la prudence, ce qui entraîne souvent des faux positifs. Cela transfère la responsabilité de la vérification aux entreprises.
Les données terrain sont essentielles pour valider ou infirmer les alertes satellitaires. Koltiva répond à ce défi en combinant alertes satellites et vérification terrain via sa plateforme KoltiTrace MIS et ses équipes KoltiSkills, en utilisant le profilage des producteurs, la cartographie géolocalisée et les évaluations de déforestation.
Le Règlement de l’UE sur les produits exempts de déforestation (EUDR) exige que les entreprises prouvent que leurs produits ne proviennent pas de zones récemment déboisées. Cela repose sur la géolocalisation et les évaluations de risque. Les cartes satellites sont donc devenues des outils centraux. Mais un défi majeur subsiste : l’interprétation correcte des alertes de déforestation, notamment celles qui s’avèrent être des faux positifs.
En télédétection, la précision des cartes est évaluée en comparant les changements cartographiés aux « vérités terrain » — soit des données vérifiées sur le terrain ou des images satellites interprétées de manière indépendante. Cette « vérité » doit être évaluée sans accès à la carte testée, pour garantir l’objectivité. Bien que la précision globale reflète la concordance avec les données vérifiées, elle peut induire en erreur. Lorsque les zones de couverture forestière stable dominent le paysage, des erreurs de détection peuvent être masquées statistiquement. L’analyse des faux positifs (erreurs de commission) et faux négatifs (erreurs d’omission) fournit donc une image plus fiable de la qualité des données (Global Forest Maps, 2015).
Un faux positif survient lorsqu’une zone est signalée à tort comme déboisée. Ces erreurs peuvent entraîner des enquêtes terrain coûteuses, retarder les expéditions, voire provoquer des accusations de non-conformité — alors qu’aucune déforestation réelle n’a eu lieu.
La fonctionnalité Land Use Tracker de KoltiTrace MIS permet aux entreprises de croiser les alertes de déforestation avec plusieurs jeux de données, y compris ceux du JRC V2, de Global Forest Watch (GFW) et du Science Based Targets Network (SBTN). Aucune carte n’étant parfaite, KoltiTrace permet aux utilisateurs de sélectionner les données les plus pertinentes selon leur géographie, type d’usage des terres, commodité ou besoins de reporting.
Parmi les cartes disponibles, KoltiTrace MIS a adopté la Version 2 de la carte mondiale de couverture forestière du JRC (2020) pour ses performances améliorées. Cette version offre :
91 % de précision globale
8 % d’erreur d’omission (zones forestières non détectées)
18 % d’erreur de commission (zones non forestières classées à tort comme forêts)
Lors du dernier webinaire Beyond Traceability Talks Vol. 3, René Colditz, Chef de projet scientifique à la Commission européenne – JRC, a expliqué que cette carte surestime légèrement les zones forestières d’environ 12 % par rapport aux estimations mondiales de la FAO.
Il a ensuite expliqué la logique derrière cette approche de sur-signalement :
« Le système de la Global Forest Cover Map V2 a actuellement tendance à produire plus de faux positifs que de faux négatifs, et cela est intentionnel. Pourquoi ? Parce que d’un point de vue réglementaire, il est plus sûr de signaler un risque potentiel que de passer à côté d’une zone qui pourrait en réalité être non conforme. Si un risque de déforestation n’est pas détecté et qu’une entreprise poursuit sans vérification supplémentaire, le risque de non-conformité à l’EUDR est plus élevé. Notre objectif (au JRC) est de servir de filtre initial — mettre en évidence les zones nécessitant une enquête plus approfondie. Ensuite, c’est à l’opérateur d’aller plus loin et de déterminer si l’alerte reflète réellement une déforestation. »
Bien que cette approche de cartographie prudente soutienne la vigilance réglementaire, elle augmente également le risque de sur-signalement. Cela soulève une question cruciale pour les entreprises : comment distinguer avec certitude une véritable déforestation d’une erreur de cartographie ?
L’imagerie satellite reste une ressource essentielle pour prioriser les contrôles de conformité. Elle aide les entreprises à identifier les zones à haut risque et réduit la dépendance à des images haute résolution coûteuses. Cependant, les cartes ont leurs limites.
Dans le cadre de l’EUDR, une « forêt » est définie par des paramètres stricts :
Hauteur des arbres d’au moins 5 mètres
Couverture du feuillage de 10 % ou plus
Surface minimale de 0,5 hectare
Exclut les plantations agricoles d’arbres (ex. : palmier à huile, hévéa)
Les cartes à elles seules peinent souvent à saisir ces nuances, notamment dans les régions de systèmes agroforestiers mixtes, de zones en régénération ou de paysages en mosaïque de petits producteurs.
Nos services de vulgarisation sur le terrain (KoltiSkills) aident les entreprises à réduire les risques là où ils comptent le plus : au premier maillon de leurs chaînes d’approvisionnement. En combinant les données satellitaires avec des données terrain vérifiées, nous offrons une traçabilité complète, conforme aux exigences de réglementations mondiales comme l’EUDR.
Lorsque les alertes satellites indiquent une déforestation potentielle, nos équipes terrain procèdent à une vérification sur place afin de valider ou d’infirmer ces signaux :
Vérification sur le terrain
Les équipes se rendent sur les lieux de l’alerte pour évaluer si une déforestation a réellement eu lieu.Cette étape permet d’éviter les faux positifs pouvant exclure à tort des producteurs conformes.
Évaluation complète de la déforestation
Nous documentons un état des lieux détaillé du terrain et de son historique, incluant :
Observations et documentation de l’état actuel
Stade de croissance, signes de replantation
Chronologie historique du défrichement et de l’évolution de l’usage des terres
Présence de forêt
Histoire foncière et utilisation passée du terrain
Historique de brûlis
Vérification du statut de la déforestation
Nous déterminons si l’alerte est fondée et, le cas échéant, si la déforestation est liée à une commodité spécifique ou causée par d'autres facteurs (ex. : infrastructures, perturbation naturelle).
« Une alerte satellite doit marquer le début d’une enquête approfondie — et non servir de verdict final. La validation sur le terrain transforme un signal de risque en décision éclairée fondée sur des preuves. Sans vérification terrain, les entreprises risquent d’exclure à tort des producteurs conformes, sur la base d’hypothèses et non de faits. C’est exactement ce que nous faisons chez Koltiva : nous combinons la cartographie satellite à la vérification terrain pour un processus de vérification complet conforme à l’EUDR, » déclare Anggoro Wicaksono, notre chef de projet.
Ces données terrain intégrées permettent de confirmer ou d’infirmer les alertes de déforestation, garantissant que les acteurs de la chaîne d’approvisionnement n’excluent pas injustement des producteurs conformes, et n’ignorent pas non plus de risques réels. Si les cartes satellites sont essentielles pour une détection précoce, une traçabilité réellement alignée sur l’EUDR nécessite une approche complète : associer l’intelligence numérique à l’expertise humaine.
Besoin d’aide pour valider des alertes de déforestation ou construire des chaînes d’approvisionnement conformes à l’EUDR ? Contactez dès aujourd’hui nos experts en conformité EUDR.
Auteur : Gusi Ayu Putri Chandrika Sari, Spécialiste en communication durable
Experts techniques : Anggoro Wicaksono, Responsable du projet Caoutchouc & Roland Sinulingga, Responsable Environnement
À propos des experts :
Anggoro Wicaksono est le responsable du projet Caoutchouc chez Koltiva, où il défend la traçabilité pour des chaînes d’approvisionnement inclusives et sans déforestation. Il dirige des initiatives qui intègrent l’intelligence satellitaire à la vérification sur le terrain afin de répondre aux normes réglementaires strictes, notamment le Règlement européen sur les produits sans déforestation (EUDR). Diplômé de l’Université Muhammadiyah Malang et de la Politechnika Lubelska, Anggoro possède une solide expertise en agriculture durable et en évaluation des risques dans les chaînes d’approvisionnement, travaillant en étroite collaboration avec les petits producteurs pour construire des réseaux de matières premières résilients et conformes.
Roland Sinulingga est un professionnel chevronné en géo-information, fort de plus de 13 ans d’expérience en Systèmes d’Information Géographique (SIG) et en télédétection. Son travail couvre la gestion des ressources naturelles, les évaluations HVC/HCS, le suivi des plantations, la planification spatiale et le développement durable. Roland a dirigé et soutenu des projets techniques à travers toute l’Indonésie — d’Aceh à la Papouasie — ainsi qu’au Japon et aux Pays-Bas. Doté d’une expertise approfondie dans les bases de données spatiales et l’observation de la Terre, il s’engage pleinement à appliquer l’intelligence géospatiale pour une gestion durable des terres et la protection de l’environnement.
Ressources :
Global Forest Watch. (2015). How accurate is accurate enough? Examining the GLAD Global Tree Cover Change data (Part 1). https://www.globalforestwatch.org/blog/data-and-tools/how-accurate-is-accurate-enough-examining-the-glad-global-tree-cover-change-data-part-1/
Colditz, R., Verhegghen, A., Carboni, S., Bourgoin, C., Duerauer, M., Mansuy, N., De Marzo, T., Beuchle, R., Janouskova, K., Armada Bras, T., Desclée, B., Orlowski, K., Mutendeudzi, M., Ameztoy Aramendi, I., Fritz, S., Lesiv, M., Oom, D., Carreiras, J., San-Miguel, J., Herold, M., ... Achard, F. (2025). Accuracy assessment of the global forest cover map for the year 2020: Assessment protocol and analysis (JRC Technical Report No. JRC141231). Publications Office of the European Union. https://data.europa.eu/doi/10.2760/7632707
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